Route du Pays Brûlé

 

La semaine dernière, nous avons parlé de la route de Saint-Sévère où il n'y avait qu'une seule habitation.

Cette semaine, je vous parle d'une route où il n'y a aucune habitation...

Ce n'est pas ce qu'on appelle avoir le sens du marketing...

Quelle appellation étrange que celle de la route du Pays Brûlé.

Cette appellation ne date pas d'hier puisque déjà, en 1810, le Grand Voyer du District de Trois-Rivières, John Antrobus ( le fonctionnaire-juge, avant l'avènement des municipalités, qui décrétait le tracé des routes et les obligations des propriétaires pour les ponts, fossés, clôtures, etc. ), après avoir visité les lieux, décrète que la route existante sera changée de tracé et qu'une nouvelle route commencera au Chemin du Roi pour arriver au Chemin de Traverse dans le village appelé Pays Brûlé. Cette route devra être de 26 pieds de large, les fossés inclus, elle devra être complétée entre le 1 juillet et le 1 novembre 1811.

Après avoir rendu son jugement le 20 mars 1811, des avis publics sont affichés à la porte de l'église paroissiale d'Yamachiche et à la porte de l'église paroissiale de la Rivière-Du-Loup ( maintenant Louiseville ).

En effet, cette route a maintenant la particularité d'appartenir pour moitié de sa largeur à Louiseville et pour l'autre moitié de sa largeur à Yamachiche sur presque toute sa longueur, sauf en ce qui concerne son entrée sur l'actuelle route 138. Ainsi furent établies les limites séparatives des deux municipalités.

Il est intéressant de lire que le Grand Voyer fait référence au village appelé Pays Brûlé. Ce qu'on appelle aujourd'hui secteur, quartier, rang, agglomération s'appelait autrefois concession. N'oublions pas que nous sommes en 1811, avant l'avènement des municipalités, encore sous le régime seigneurial et que les gens d'un même quartier, d'une même agglomération, d'une même concession, s'identifiaient autant à ce "quartier" qu'il était subdivisé en numéros de lots pour délimiter les terres. Ainsi, à Yamachiche, on retrouve:

la Concession du village des Caron qui était subdivisée en 17 lots; la Concession des Petites-Terres qui était subdivisée en 34 lots;
la Concession du village de la Rivière-du-Loup; la Concession de Vide-Poche;
la Concession de la Chicane; la Concession de la Grande Acadie;
la Concession de la Petite Acadie; la Concession du Grand Ruisseau;
la Concession des Terres de Travers; la Concession du Petit Bois;
la Concession de la Rivière aux Glaises; la Concession Nord de la Petite Rivière Yamachiche;
la Concession Sud de la Petite Rivière Yamachiche; la Concession Nord de la Grande Rivière Yamachiche;
la Concession Sud de la Grande Rivière Yamachiche; la 2e Concession Sud de la Grande Rivière Yamachiche;
la Commune; les Ilets.

Revenons encore à John Antrobus. Lorsqu'il parle du Chemin du Roi, il indique ce qu'on appelle aujourd'hui non pas la route 138 comme bien des gens le pensent, mais bien le Chemin des Petites-Terres, décrété Chemin du Roi en 1737 et qui constituait l'unique voie de communication terrestre entre Québec et Montréal.

L'actuelle route 138 était un chemin très local, beaucoup moins important que le Chemin des Petites-Terres.

En permettant un nouveau tracé entre l'important Chemin des Petites-Terres pour se diriger vers le village du Pays Brûlé, John Antrobus faisait référence à une partie de Louiseville qui figure sur leur cadastre comme Concession du Brûlé.

L'historien Germain Lesage, l'auteur de Histoire de Louiseville, ne donne pas d'explication à l'origine de la Concession du Pays Brûlé ni de la route du Pays Brûlé. Toutefois, c'est de son œuvre qu'il faut logiquement tirer une explication logique à cette appellation.

En 1665, écrit-il, des soldats du Régiment de Carignan reçoivent l'ordre d'hiverner le long de la Rivière-du-Loup et l'un des officiers, l'enseigne Charles de Goudon de Jeu, Vicomte de Manereuil, rêve de s'y établir car l'intendant Talon lui promet qu'il serait promu Seigneur de ce territoire.

Au moins 12 de ses soldats s'engagent à le suivre et se mettent à défricher leurs nouvelles terres tout en restant d'abord des militaires bientôt appelés à aller combattre les Iroquois qu'ils soumettront, ce qui amènera une paix propice à l'établissement des premières familles.

Mais à compter de 1687, la guerre iroquoise obligera les résidants à tous quitter Louiseville, sauf 4 familles qui n'y hiverneront plus en 1694 parce que les Anglais s'allient aux Iroquois et il est trop dangereux de demeurer hors des postes de Montréal, Québec et Trois-Rivières.

C'est pendant cette période que les Iroquois auraient tout incendié sur leur passage, notamment dans la Concession du Pays Brûlé, le manoir seigneurial est d'ailleurs brûlé en juillet 1688.

Voilà donc pourquoi à mon humble avis il existe à Louiseville la Concession du Pays Brûlé, le Chemin du Roi étant alors situé aux Petites-Terres, la route secondaire pour se diriger vers le sud sera ainsi appelée la Route du Pays Brûlé tout simplement parce qu'elle conduisait à ce secteur de Louiseville.

 

 

Paul Desaulniers

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