CHEMIN CHARLES-LESIEUR

 

Le chemin Charles-Lesieur est fort probablement la toute première voie de circulation qui ait existé pour permettre aux premiers colons de se rendre à l'extérieur d'Yamachiche par la voie terrestre.

  • Ce chemin est demeuré fort humble et, s'il a résisté à toute fermeture, il a dû subir de l'empiètement, du laisser-aller et de l'indifférence car personne ne s'aventure plus sur ce chemin, autrefois si fréquenté, qui ne comprend que deux habitations et une ferme.
  • Avant la construction de l'autoroute 40 et de sa voie de service, le Chemin Louis-Gatineau, le Chemin Charles-Lesieur était l'accès pour se rendre aux chalets du Lac Saint-Pierre.

    Ce chemin était le Chemin du Roy puis on l'a désigné comme chemin des Granges, particulièrement à cause de ses granges aux toits de chaume tissés avec l'herbe à lien qu'on retrouvait au Lac Saint-Pierre.

  • Monsieur Lucien Girardin est fort probablement le dernier artisan qui peut encore aujourd'hui construire un toit avec de l'herbe à lien.

    Il a bien voulu m'informer sur la question.

    L'herbe à lien est un foin huileux qui a la particularité, comme les plumes d'un canard, de ne pas absorber l'eau mais de la faire glisser.

    Le coton de l'herbe à lien est creux, la plante a une hauteur de 5 à 6 pieds à maturité et ses propriétés huileuses font qu'elle ne pourrit pas.

    On la recueillait après les gelées puisque c'est à ce moment qu'on avait l'assurance que ses graines étaient tombées et qu'elle sécherait plus vite. De plus, les graines étaient piquantes et causaient des irritations sur la peau.

    L'herbe à lien était donc le matériau idéal pour construire des toits, surtout des toits de grange parce que ces bâtiments étaient bâtis de matériaux moins nobles, utilisant le pin, le sapin et l'épinette.

    Autrefois, on cueillait des tonnes d'herbe à lien qu'on vendait en gerbes d'un diamètre d'un mètre de circonférence, appelées bottes, au coût de 2.00$ ( en 1967 ) la botte.

    On plaçait ces bottes dans le sens vertical de la toiture sur des gaules (habituellement des petits conifères très longs ) que l'on distançait d'environ 15 pouces dans le sens horizontal du toit.

    On procédait un peu comme aujourd'hui en ce sens qu'on installait les gaules sur lesquelles on déposait les bottes en commençant par le bas de la toiture. La première rangée de bottes était installée le pied vers le bas et la pointe de la gerbe vers le haut.

    On installait une seconde gaule au centre de la botte ( qui mesurait environ 5 pieds, rappelons-le ) et on l'attachait avec la gaule du dessous avec de la broche à balle mais les plus anciens utilisaient de la hart de coude ( ça ne s'écrit peut-être pas nécessairement comme ça...), soit des branchailles très petites et très flexibles.

    Tout en haut de la toiture, il n'y avait que l'épaisseur d'une botte, soit environ 2 pouces d'épais mais la rangée du bas pouvait être d'un bon deux pieds.

    La seconde rangée de botte était installée la tête en bas et attachée de la même façon et on procédait ainsi jusqu'au toit où on plaçait les dernières bottes comme une cheminée, l'eau s'y infiltrant mais coulant ainsi sur l'herbe à lien qui demeurait lisse puisque huileuse, à moins que du foin s'y soit mêlé.

    Un toit de chaume ( ou si vous préférez d'herbe à lien ) pouvait durer jusqu'à 75 ans mais était par contre très inflammable.

    L'herbe à lien poussait surtout aux abords du Lac Saint-Pierre puisqu'on ne voulait pas nécessairement de ces plantes sur les bonnes terres agricoles, l'herbe à lien n'étant pas non plus l'idéal pour nourrir les animaux.

    De nos jours, il n'y a plus d'herbe à lien comme autrefois car le foin qui pousse entre les tiges en altère la qualité et il serait trop long de les séparer manuellement. Le rejet d'huile déversée par les grands navires dans le chenal du fleuve Saint-Laurent a également largement contribué à détruire la flore de ses rives, dont l'herbe à lien.

  • Le 26 mai 1980, on donna à ce chemin l'appellation Chemin Charles-Lesieur:

  • ..."afin d'honorer un fondateur de Yamachiche dont le chemin mène à la terre ancestrale"...

    Toutefois, le conseil municipal n'a pas souscrit à la suggestion du comité de toponymie de désigner également le chemin Saint-Jacques, de la route 153 en allant au Pont du Canton puis de là, vers le sud, jusqu'à son intersection actuelle comme Chemin Charles-Lesieur. Ce bout de chemin a conservé le nom de Chemin Saint-Jacques et la terre ancestrale étant située du côté ouest de la route 153, le Chemin Charles-Lesieur ne mène donc pas directement à la terre ancestrale.

  • Le père de Charles Lesieur portait le même prénom, Charles.

    Papa Charles épousa la nièce de Pierre Boucher, gouverneur de Trois-Rivières et unique possesseur de tout le territoire d'Yamachiche.

  • Papa Charles décéda à l'âge de 50 ans laissant une veuve de 39 ans et 8 enfants.

    Oncle Pierre Boucher supporta adéquatement sa nièce allant même jusqu'à céder aux deux aînés de sa nièce, Charles et Julien, une partie d'Yamachiche, soit Grosbois Est, pour 160.00$ le 12 septembre 1699. Charles et Julien Lesieur, par cette transaction, devenaient co-seigneurs.

  • Mais comme on l'a vu la semaine dernière, il faudra attendre le Traité de Montréal du 4 août 1701 pour faire la paix avec les Indiens et on présume que Charles attendit jusqu'en 1702 ou 1703 ou même 1704 pour s'installer à Yamachiche alors que son frère Julien n'y arriva qu'en 1707.

  • En ce qui le concerne, l'historien Napoléon-Caron ne croit pas qu'il fut possible que ce soit avant 1703 que s'établirent les premiers colons à Yamachiche. Il explique sa position pour 1703 ou même 1704 par les titres de la vente aux frères Lesieur qui n'étaient pas clairs en ce sens que les lignes séparatrices d'avec leurs voisins n'étaient pas reconnues légalement.

    Les Gélinas étant alors les censitaires des seigneurs Lesieur, il avance plutôt la thèse que les Lesieur se sont établis, qu'ils ont bâti une maison dans laquelle ils

    ont hébergé les trois frères Gélinas à leur arrivée à Yamachiche.

    On reconnaît là l'hospitalité typique des gens d'Yamachiche d'autant plus que les deux enfants dont je vous ai parlé précédemment, le petit Jean-Baptiste Bellemare et la petite Marie-Françoise Lesieur ont eu la particularité tous deux d'avoir été les premiers nés d'Yamachiche, d'avoir été les premiers enfants baptisés provenant d'Yamachiche en plus de s'être épousés, le 30 mai 1746.

  • La seigneurie des frères Lesieur , on le présume, ne devait être que de la forêt et c'est à la force de leurs bras qu'ils durent l'exploiter.

    C'est par le fleuve que les gens arrivèrent de Trois-Rivières, la construction de la première route, le Chemin Charles-Lesieur, était un passage allant d'une résidence à l'autre et non pas le tracé en droite ligne qu'on connaît aujourd'hui.

    C'est donc à un chemin fort primitif qu'on faisait affaire et il n'y a pas d'écrit à savoir quand ce premier chemin a été tracé. Toutefois, on sait que le grand chemin Royal qui allait de Trois-Rivières à Montréal fut ouvert en 1721.

    Je vous propose plutôt d'attendre la chronique que je ferai sur le Chemin du Roy, à la toute fin de cette série toponymique.

    Je n'ai pu retracer un écrit à l'effet que ce serait par une ordonnance de Louis XIV mais il se trouve que c'est pendant le règne de Louis XIV que nous retrouvons dans les familles de la Nouvelle France la coutume à l'effet que le fils aîné portait le même nom de famille que son père alors que les autres fils prenaient un autre nom, pour l'adjoindre au nom de leur père.

    Par la suite, ce nom venait à prédominer.

  • Comme les familles étaient très nombreuses, ce changement de nom évitait toute confusion et chaque fils devenait ainsi la souche d'une famille distincte.
  • Chez les Lesieur de Papa Charles, on appliqua l'ordonnance:

    Voilà donc la souche de ces belles familles qu'on retrouve un peu partout en Amérique du Nord.

    Comment en arrivait-on à choisir un nouveau nom ?

    Le généalogiste François-Sévère Desaulniers avance l'explication suivante:

  • ..."Pour revenir au mot Desaulniers, on l'explique par le fait que sur les rives de la Petite Rivière d'Yamachiche il pousse des aulnes, en grande quantité. Jean-Baptiste Lesieur ayant établi sa demeure sur les bords de cette rivière, ses frères et ses amis le désignaient toujours sous le nom de Jean-Baptiste des aulniers. La tradition de famille, du reste, s'accorde avec cette version"...
    Ainsi, l'ancêtre commun des était
       
    Bellefeuille Robert Rivard
    Laglanderie
    Dufresne
    Loranger
       
       
    Decoteaux Pierre Lefebvre
    Villemure
    Boulanger
       
       
    Auger François Lemaître
    Duhaime
    Lottinville
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    Il y a ainsi des centaines d'exemples de familles qui tirent leurs origines d'un même ancêtre. Mais je n'empiéterai pas plus avant sur la généalogie puisque le site internet de la municipalité d'Yamachiche aura une chronique de généalogie à compter du 2 juin 1999.

    En ce qui concerne la seigneurie, elle fut subdivisée et resubdivisée à maintes reprises puisque le fils aîné héritait de la moitié des biens et les autres fils se partageaient l'excédent de l'héritage. Au fil des générations, les terres se sont ainsi resubdivisées entre ces dizaines, voire même ces centaines d'héritiers

     

    Paul Desaulniers

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