FRIMAS FÉERIQUE
Texte de Michel Bourassa
Dans mon Yamachiche champêtre, en cet avant-midi du 14 janvier 2019, dès
que j’emprunte la rue en fer à cheval où j’habite, mes yeux se lèvent
vers le ciel pour apercevoir la brume d’humidité que mère Nature avait
daigné envoyer pendant la nuit afin de border toute la végétation d’un
frimas de neige protecteur et ainsi lui porter toute l’attention qui lui
est coutumière. Les arbres et les arbustes sont les premiers à
bénéficier de la blancheur de cette bienveillance maternelle dans cette
nature si fragile lors de leur réveil et ce vêtement givré enrobant
chacune de leurs branches, chacun de leurs rameaux et chacun de leurs
bourgeons, ajoute de la magie à leur beauté déjà reconnue.
La lactée vision passagère sur ces êtres végétaux devient une féerie
très ensorcelante en la figeant dans le temps lors de ces quelques
instants matinaux. Dans cette froidure facilement tolérable pour le
visage, mes pas me dirigent vers d’autres merveilleux tableaux dont
celui qui éblouit par la présence d’innombrables et gigantesques ouates
nuageuses entremêlées d’infimes espaces bleutés dans le firmament, les
dites ouates formées instantanément en se séparant de l’immense masse
grisâtre, laquelle semble demeurer immobile à l’ouest. Ces nuées à
densité élevée laissent peu de chance au soleil à venir se mêler à la
féerie et ses efforts déployés se remarquent à peine par quelques rayons
à reflets frileux qui se faufilent entre certains colossaux oreillers du
grand lit de l’azur. Plus bas, la brume s’acharne à occuper l’espace
aérien et il est impossible de traverser son mur, même avec des
jumelles.
Sans s’en rendre compte, le duvet du frimas a uniformisé, ou presque,
toutes les espèces ligneuses pour les envoyer dans l’anonymat, et c’est
la raison pour laquelle ce dit frimas commence a libérer chacun des
membres qu’il occupe pour aller choir au sol et ainsi avoir fait, comme
toujours, œuvre utile pendant son passage. Chacun des corps boisés
reprend peu à peu son identité, même s’il a grandement apprécié ce geste
venu le parer et le protéger pour quelques heures, reprenant son essence
dans cette vie terrestre. La magie de ce spectacle approche de son
dénouement par la chute de cette eau frimassée, côtoyant les vastes
champs drapés de neige moelleuse.
L’hiver a, de temps à autres, un de ces beaux moments, même si,
malheureusement, le froid en déprime plusieurs.
|