EAU MINÉRALE À  YAMACHICHE

 

                                                            Texte de Michel Bourassa

                                                                    (Texte recopié)

 

             Source : Yamachiche et son Histoire (J.-Alide Pellerin), livre paru en 1980.

 

 

              Dans son histoire de la Paroisse de Yamachiche, à la page 24, M. l’Abbé Napoléon Caron, nous fait part d’un récit intitulé : « Promenade Agréable ». Ce compte-rendu nous fait connaître, entre autres, l’origine d’une source d’eau minérale, encore en activité.

 

La source d’eau minérale, dite saline, mentionnée au cours de la dite « Promenade Agréable » de l’ex-seigneuresse et de ses amis, est le célèbre « Eau de Caxton », qui fut exploitée durant une période approximative d’un siècle et demi. Elle fut découverte, vers 1782, sur les Terres de la Couronne, dans l’Augmentation de Caxton, par les soldats de la Milice canadienne, dont une centaine, sous les ordres du capitaine Twiss, étaient employés à la coupe de « billots », en vue de la fortification de la Citadelle de Québec. L’eau de cette saline fut d’abord expérimentée par des médecins, puis elle fut acquise et exploitée par un pharmacien de Trois-Rivières, Richard-W. William. En février 1884, Dame Alice Jane Lambly, veuve du précédent, l’acquit par droit de succession et en continua l’exploitation, à titre de propriétaire, jusqu’en juin 1914. C’est à cette date que M. Josaphat Bellemare, en société avec M. Sévère-J. Lamy, l’acheta au coût de $1,150, incluant un campeau de terre d’une superficie de 40 arpents, lot No 14 du cadastre de la paroisse de St-Barnabé-Nord.

 

Cette station de cure « d’hydrominérale », sous le nom de « Eau de Caxton » fut exploitée par M. Bellemare jusqu’en 1947 (frère de M. Nérée Bellemare de Yamachiche). L’eau minérale provenait d’une source naturelle, d’où elle jaillissait de la berge, vers la rivière, par une veine d’environ trois pouces de diamètre. Pour permettre l’accumulation et le pompage de l’eau, on construisit un réservoir abrité. À l’intérieur de cette modeste construction, on remarquait plusieurs noms écrits sur les murs, en particulier, l’autographe de l’hon. Honoré Mercier; c’était en 1890 que cet illustre visiteur écrivait son nom sur le bois, faute de « Livre d’Or ».

 

Les anciens de Yamachiche qui ont connu les embouteilleurs : Zoël Bourassa, Amable Lemyre et Armand Lafontaine, se souviennent encore du nom de « Eau de Caxton », étiqueté sur les grosses bouteilles. Pendant plusieurs années, cette eau thérapeutique fut vendue à l’hôpital Notre-Dame à Montréal, au modique prix de cinq sous le gallon.

 

Qu’est devenue cette célèbre « saline »? Son eau minérale coule sans cesse et au même rythme qu’autrefois, mais elle n’est plus exploitée. Le sera-t-elle dans un avenir prochain? Nul ne le sait. Actuellement, elle est devenue, par droit de succession, la propriété de M. Benoît Bussières, résident de Louiseville, petit-neveu de M. Josaphat Bellemare.

 

En poursuivant l’étude descriptive des eaux minérales, l’auteur tient à souligner que deux autres « salines » se situent sur les bords de la Grande-Rivière de Yamachiche. Parlons d’abord de celle de M. Ephrem-Fréd. Bourassa, qui se trouve à peu de distance de la précédente, sur la rive droite de la rivière.

 

Note : La propriété de M. Ephrem Bourassa est le vieux bien de Michel Bourassa, père, et le lieu de naissance de « Gros » Michel Bourassa, fils, considéré par sa corpulence colossale comme le plus redoutable fier-à-bras du comté de St-Maurice, en période d’élection.

 

Ces deux salines se situent à environ un mille, au nord de la route-jonction entre les rangs de la Grande-Rivière et du Bas-de-St-Joseph. M. E. Bourassa découvrit sa source d’eau minérale vers 1900, alors qu’il creusait en vue d’obtenir du gaz combustible.

 

Note : M. Bourassa est le père de Mme Lionel Milette, bien connue à Yamachiche pour sa contribution syndicale.

 

D’après un rapport d’analyse, il fut établi que cette eau contient une trop forte teneur en sel (sodium). Pour en améliorer le goût, le propriétaire n’a eu qu’à ajouter un certain pourcent d’eau pure. Cette eau minérale, ainsi conditionnée, possède d’excellentes propriétés thérapeutiques. Elle fut exploitée et vendue, sous l’étiquette « Purificata », jusque vers 1940, à l’embouteilleur Albert Pellerin, de St-Barnabé. Cette entreprise a cessé d’opérer, mais le propriétaire actuel, M. Bruno Bourassa, fils, continue à utiliser son puits de gaz pour l’éclairage et le chauffage.

 

Enfin, il nous reste à faire connaître la saline de M. Thomas Drew, qui a débuté, après sa découverte, sous le mirage de la publicité. Dans cette optique, la nouvelle station d’eau minérale présageait une forte rentabilité commerciale. Malheureusement, son existence fut bien éphémère! Nous publions ici deux extraits d’un journal de l’époque, « Le Constitutionnel », en date du 26 août 1874. Voici : « Déclarons, accords et conventions, entre M. Thomas Drew, Narcisse St-Pierre et Casimir St-Pierre, devant Me Jules Milot notaire de Yamachiche. Il existe sur la terre de M. Narcisse St-Pierre, de St-Barnabé, une source d’eau minérale. M. Thomas Drew pourrait y faire commerce. M. St-Pierre s’oblige à lui vendre la moitié de la source qu’il détient ainsi que le terrain jugé nécessaire autour d’icelle pour y construire des bâtisses et qu’un chemin et droit de passage. Fait et passé à St-Barnabé, demeure du dit Narcisse St-Pierre, sous le No. 1135. M. Thomas Drew à signé ainsi que le témoin, M. Uldoric Godin, cultivateur ». 

 

Deux mois plus tard, le même journal annonçait ce qui suit: « On nous annonce que la source d’eau minérale découverte à Yamachiche, il y a quelques années, est sur le point d’être utilisée par M. Thomas Drew. Cet industriel a fait analyser l’eau minérale en question et le résultat s’avère excellent, puisqu’elle renferme des propriétés thérapeutiques qui la font rechercher de plusieurs médecins, entre autres, le Dr Lussier de Montréal, qui en a fait l’analyse, a constaté que sur 100 parties de cette eau minérale, il s’y trouve 96 parties d’eau pure, 3 parties de chlorure de sodium , 1/6 d’iodure de sodium, 2/3 de sulfate de magnésie, 1/6 de carbonate calcaire. En transmettant l’analyse ci-dessus à M. Drew, le chimiste lui écrivait : «  Je suis porté à croire que cette eau devrait prendre le premier rang parmi nos stations d’eaux minérales existantes. Son action laxative altérante et dépurative du sang, due à la présence de sulfate de magnésie et à l’iode, la rend précieuse en thérapeutique ». D’après ce témoignage, l’eau minérale de Yamachiche serait d’une qualité supérieure à celle de St-Léon, que tout le monde connaît. Nous félicitons M. Drew et nous somme persuadés que les démarches qu’il fait actuellement pour faire connaître l’eau minérale en question, seront largement récompensées ».

 

Néanmoins, il appert que ce projet d’exploitation ne fut pas très rentable, puisqu’après deux années seulement d’opération, l’entreprise tombait en faillite et tous les matériaux furent liquidés. 

 

Cette source d’eau minérale existe encore; elle est située sur la propriété de M. Léo Ricard, lot 1135. Propriété ci-devant occupée par Casimir St-Pierre (grand-père de M. Hervé Garceau). En l’occurrence, disons que M. Thomas Drew, industriel, était marié, en 1899, à la veuve Sévère L-Duchesne, née Albina Lacerte. Des vestiges de cette prometteuse entreprise, il ne reste plus qu’un bout de tuyau émergeant d’une pointe de rivière, au milieu d’un pâturage, où le troupeau laitier de M. Ricard ne dédaigne pas le goût salin.

 

Plusieurs stations de cure hydrominérales avaient atteint l’apogée de leur vogue, dans notre région, au début du XXe siècle. Présentement, il n’en existe que deux en opération, soit celle de Radnor à St-Maurice, et celle de St-Justin.